Congo : plus de 800 rwandais attendent une régularisation

Le président rwandais Paul Kagame est attendu ce lundi 11 avril 2022 à Brazzaville capitale de la République du Congo.

 

 

Le chef de l’État rwandais Paul Kagame arrive ce lundi 11 avril à Brazzaville. Il doit s’adresser au Parlement congolais, signer des accords avec son homologue Denis Sassou Nguesso. Le président Kagamé ira visiter des fermes au nord du pays jusqu’à mercredi 13 avril prochain.

Notons que la visite de Paul Kagamé est attendue par  plus de 8 000 de ses compatriotes basés en République du Congo. Ils avaient fui le génocide rwandais en 1994 pour se réfugier au Congo et ils n’ont plus leur statut de réfugiés depuis fin 2017. Ces hommes et femmes sollicitent une intégration locale.

Ces ressortissants rwandais qui ne sont plus des réfugiés suite à l’application d’une clause intervenue le 31 décembre 2017, vivent dans la quasi-totalité des Départements du Congo. Ils sollicitent la régularisation de leur statut.

« Les gens qui ont perdu leur statut (de réfugiés) sont au nombre de 8 460. Vis-à-vis des autorités congolaises qui nous ont reçus depuis près de 25 ans, nous sollicitons la nationalité. Cette nationalité, nous la désirons. Que l’État puisse nous aider à trouver une pièce qui pourrait nous aider à circuler librement », lance à RFI Aloïse Bayingana, le président de cette communauté.

Ces ex-réfugiés sont nombreux à avoir formulé la demande, mais attendent encore la réponse des autorités congolaises, selon Aloïse Bayinganga qui affirme qu’ils sont bien intégrés. « Il y a des gens qui vivent de l’agriculture et d’autres du petit commerce. On participe, avec les forces vives de la nationale (congolaises, Ndlr), au développement du pays », précise-t-il.

Avant la date butoir du 31 décembre 2017, à peine 104 réfugiés rwandais avaient pu être rapatriés volontairement dans leur pays qui a établi des relations diplomatiques avec le Congo en 1982.

Congo : incertitude pour les réfugiés rwandais sans statut

Après le génocide des Tutsi au Rwanda de 1994, quelques milliers de Rwandais se sont réfugiés au Congo, un pays d’Afrique centrale d’environ 5 millions d’habitants.

« On me dit de repartir. Repartir où? Faire quoi là-bas? Tout le monde est mort », murmure Gilbert Bigirimana, 18 ans, réfugié rwandais dans un camp de réfugiés au nord du Congo-Brazzaville qui n’a jamais foulé le sol du Rwanda.

Comme lui, ils étaient encore 10.000 Rwandais fin 2017 au Congo Brazzaville. En majorité Hutus, ils ont fui après le génocide des 800.000 Tutsis et le massacre des Hutus modérés perpétrés par des Hutus (forces de sécurité, milices extrémistes, autorités, population) entre avril et juillet 1994.

Ils se sont d’abord installés en République démocratique du Congo (RDC) avant d’en partir à la fin des années 1990 vers le Congo-Brazzaville, fuyant les deux guerres du Congo, contre-coup du génocide rwandais.

Aujourd’hui, ils attendent dans l’incertitude, et la grande majorité d’entre eux, 9.200, ont perdu leur statut de réfugié début 2018.

« Lorsque les conditions qui ont poussé au départ des réfugiés ont disparu, on invoque la clause de cessation » du statut de réfugié, explique Jean-Claude Kourouma, chef du bureau du Haut-Commissariat de l’ONU (HCR) de Betou, ville du nord du Congo qui accueillait près de 1.900 réfugiés rwandais en 2017.

Critiquée par des ONG congolaises, cette décision de cessation du statut de réfugiés s’est appliquée le 31 décembre 2017 pour les réfugiés rwandais du Congo. « Les personnes n’ayant pas bénéficié de l’exemption se trouvent désormais en situation irrégulière sur le territoire congolais », a ainsi récemment déclaré le gouvernement de Brazzaville.

Avant cette date butoir, une centaine de Rwandais avaient fait le choix du retour. D’autres les ont suivis depuis.

« Cinq familles ont, elles, fait le choix de l’intégration locale », explique Jean-Claude Kourouma: ces familles ont entamé des démarches avec les autorités rwandaises afin d’obtenir un passeport, qui leur permettra ensuite de faire une demande pour être naturalisées congolaises.

« On va nous massacrer »

Pour d’autres, comme Gilbert Bigirimana, l’avenir est encore très incertain.

Pour lui, pas question de repartir dans un pays qu’il ne connaît que par les témoignages – réels ou fantasmés – de ses compatriotes, en majorité des Hutus qui ont fui en 1994 à l’arrivée au pouvoir de la rebellion tutsi du FPR dirigée par Paul Kagame, l’actuel président rwandais.

« Kagame privilégie sa +race+. Si on retourne là-bas, on va nous massacrer », redoute Gilbert, un Hutu. Adoptée en 2003, la Constitution du Rwanda place l’ « éradication des divisions ethnique » au rang de ses principes fondateurs.

« Je suis orphelin de père, je n’ai que ma mère mais elle est très malade, elle dort », raconte ce jeune Rwandais, né en 2007.

Depuis que sa famille et lui ont perdu leur statut de réfugiés, la situation s’est compliquée.

« Ils ont coupé nos rations. C’est moi qui travaille seul, pour nourrir mes cinq petits frères et soeurs. Je cultive un petit jardin, et j’essaie d’aller à l’école. Mais comment je peux tout faire tout seul? »

« Je préfère rester ici jusqu’à ce qu’on m’enterre », conclut le tout jeune homme.

Années d’errances

« Je resterai là tant qu’il y a la paix », jure de son côté Antoinette Mokamakombe, une Rwandaise de 28 ans à l’orée du camps de réfugiés de Betou, à quelques encablures de Gilbert Bigirimana.

Contrairement à ce dernier, elle a pu conserver son statut de réfugié grâce à une exemption de la clause de cessation du statut.

« J’ai eu le droit car mon cas est exceptionnel », raconte la jeune femme de 28 ans.

Exceptionnel, car depuis son départ du Rwanda en 1994, Antoinette n’a fait que fuir ses terres d’accueil, d’une guerre à l’autre : le Rwanda, puis la RDC qu’elle quitte quand la guerre éclate à la fin des années 1990, ensuite la Centrafrique, qu’elle fuit en 2013 quand le conflit embrase le pays.

Difficile d’en savoir plus sur ses années d’errances. Elle ne veut pas s’y attarder, invoquant les fortes migraines qui l’assaillent lorsqu’elle fouille sa mémoire.

Comme elles, quelques 802 réfugiés rwandais du Congo ont pu bénéficier de cette exemption, qui « concerne les personnes visées par leur origine, ou dans une situation particulière qui menace leur sécurité », explique Jean-Claude Kourouma.

« Il n’y a pas de génocidaires qui aurait pu bénéficier du statut de réfugié », précise-t-il.

Après le génocide des Tutsi au Rwanda de 1994, quelques milliers de Rwandais s’étaient réfugiés au Congo, petit pays d’Afrique centrale d’environ 5 millions d’habitants.

Un million avait fui dans l’est de l’ex-Zaïre, l’actuelle République démocratique du Congo. De passage à Goma dimanche, le Haut-commissaire des Nations unies aux réfugiés, Filippo Grandi, a promis de faciliter le retour dans leur pays des Rwandais toujours présents dans l’est de la RDC.