Congo: l’accord de paix du Pool est-il réel?

Le gouvernement de Brazzaville a annoncé, durant le week-end de Noël, un accord de paix avec les rebelles du pasteur Ntoumi, dans la fertile région du Pool

Le gouvernement de Brazzaville a annoncé, durant le week-end de Noël, un accord de paix avec les rebelles du pasteur Ntoumi, dans la fertile région du Pool. Des opposant au régime Sassou Nguesso affirment cependant qu’il a été signé par un homme de Ntoumi libéré de prison pour l’occasion et qu’il n’engage pas vraiment les combattants.

Le Congo-Brazzaville a connu cinq conflits armés depuis 1993, opposant divers chefs de guerre entre eux, notamment Denis Sassou Nguesso, officier originaire du nord, qui totalise 33 ans à la Présidence de la République (1979-1992 et 1997 à aujourd’hui). En 1998, les miliciens « Ninjas » du Pool (région fertile du sud du pays, entre Brazzaville et le port de Pointe-Noire) qui avaient déjà guerroyé sous l’autorité de Bernard Kolelas, sont réunis par Frédéric Bintsamou, alias pasteur Ntoumi, pour un nouveau conflit, qui s’étendra jusqu’en 2003-2005. En 2007, il se voit proposer un poste dans le cabinet du président Sassou Nguesso, qu’il acceptera deux ans plus tard, sortant enfin de sa retraite du Pool pour gagner Brazzaville.

Référendum constitutionnel

Entre 2014 et 2016, toutefois, le président Sassou procède à un recensement de la population controversé, puis à un référendum – entaché d’irrégularités – modifiant la Constitution afin de lui permettre de s’incruster au pouvoir, puis à une élection présidentielle ne laissant aucune chance à ses adversaires – dont deux sont aujourd’hui en prison pour « atteinte à la sûreté intérieure de l’Etat ». C’en est trop pour le pasteur Ntoumi, alors âgé de 52 ans, qui a repris le maquis en avril 2016.

Or, samedi 23 décembre, les autorités de Brazazaville ont annoncé qu’un accord avait été signé entre le ministre de l’Intérieur et un des hommes de Ntoumi, Jean-Gustave Ntondo. Le gouvernement assure que ce dernier est un représentant du chef rebelle. Mais un collectif d’opposants au président Sassou, « Sassoufit », a indiqué à l’AFP que « M. Ntondo était en prison. Il a été libéré, il est surveillé, il n’est pas libre de ses mouvements… Il n’a pas été en contact avec ceux qui sont dans le maquis ». M. Ntondo a en effet été libéré le 6 novembre et assure avoir été en contact avec le pasteur Ntoumi depuis lors.

L’accord signé entre le ministre de l’Intérieur et M. Ntondo prévoit que la partie rebelle s’engage à « faciliter le ramassage des armes détenues par les ex-combattants » et à « ne créer aucune entrave » au rétablissement de l’autorité de Brazzaville dans le Pool. En échange, le gouvernement garantit « le processus de démobilisation, de réinsertion professionnelle, sociale et économique des ex-combattants après le ramassage des armes ». Sera-t-il appliqué?

L’accord de paix dans le Pool a été signé « sous contraintes » selon un collectif d’opposants

L’accord a été signé entre le gouvernement et Jean-Gustave Ntondo, présenté par les autorités comme le représentant du chef rebelle, Frédéric Bintsamou, alias Pasteur Ntumi, qui a pris les armes en avril 2016

Le Congo-Brazzaville a annoncé samedi un accord de paix pour mettre fin aux hostilités à huis clos avec les rebelles de la région du Pool, qui s’étaient soulevés en avril 2016 contre Brazzaville.

Un accord signé « sous contraintes » a cependant dénoncé auprès de l’AFP un collectif d’opposants.

Le ministre congolais de l’Intérieur, Raymond Zéphyrin Mboulou, a supervisé la signature de cet « accord de cessez-le-feu et de cessation des hostilités » avec Jean-Gustave Ntondo, présenté par les autorités comme le représentant du chef rebelle, Frédéric Bintsamou, alias Pasteur Ntumi, qui a pris les armes en avril 2016.

L’accord a été signé dans le département du Pool à Kinkala, à 70 km au sud de Brazzaville, avant une conférence de presse dans la capitale.

« L’accord entre en vigueur aujourd’hui » (samedi), a déclaré M. Ntondo, secrétaire général du Conseil national des Républicains (Cnr), le parti du pasteur Ntumi.

« L’accord est une bonne nouvelle à un moment où la situation économique n’est pas très bonne », a réagi auprès de l’AFP le porte-parole du gouvernement Thierry Moungalla.

Adversaire du régime du président Denis Sassou Nguesso, le collectif Sassoufit a cependant dénoncé « un accord sous contrainte ».

« M. Ntondo était en prison, il a été libéré, il est surveillé, il n’est pas libre de ses mouvements…Il n’a pas été en contact avec ceux qui sont dans le maquis », a indiqué à l’AFP depuis Paris le porte-parole de ce collectif principalement actif sur internet, Andrea Ngombet.

« Que vaut réellement un accord signé sous la menace de la torture et de la prison ? Rien », a ajouté le collectif dans un communiqué.

Après plusieurs mois de prison, Jean-Gustave Ntondo et l’un des porte-parole du pasteur Ntumi, Franck Euloge Mpassi, ont été libérés le 6 novembre. Ils affirment avoir été en contact avec Ntumi depuis leur libération jusqu’à la signature de l’accord.

Huis clos médiatique 

Les « Ninjas » du Pasteur Ntumi ont pris les armes dans le département du Pool au sud de Brazzaville en avril 2016 contestant la réélection du président Denis Sassou Nguesso, qui cumule 33 ans au pouvoir dont 20 d’affilée.

La violence des rebelles et la réponse militaire de Brazzaville a eu lieu dans un huis clos médiatique total.

Le conflit a engendré des conséquences bien réelles pour l’économie malade du Congo-Brazzaville, pays pétrolier d’à peine cinq millions d’habitants touché par une sévère récession depuis que le prix du baril plafonne à 50-60 dollars.

Le chemin de fer Congo-Océan et la route entre Brazzaville et le port pétrolier de Pointe-Noire ont été coupés à la circulation en novembre 2016 en raison de l’insécurité.

Les élections législatives n’ont pas pu se tenir dans neuf des quatorze circonscriptions du Pool en juillet dernier. Le Parti congolais du Travail (PCT) du président Sassou Nguesso a sans surprise hérité d’une confortable majorité à l’Assemblée.

Surtout, les violences ont placé 138.000 personnes dans une situation humanitaire difficile, selon les estimations.

Selon cet accord dont l’AFP a reçu copie et qui tient en deux paragraphes, le révérend Pasteur Ntumi Bintsamou Frédéric s’engage à « faciliter le ramassage des armes détenues par les ex-combattants » et à « ne créer aucune entrave » au rétablissement de l’autorité de l’Etat dans le département du Pool.

Le gouvernement s’engage lui à garantir « le processus de démobilisation, de réinsertion professionnelle, sociale et économique des ex-combattants après le ramassage des armes ».

Brazzaville veut aussi garantir « la réinstallation des populations dans leurs localités d’origine » et la « libre circulation des personnes, des biens et des services dans le département du Pool ».

Une commission mixte paritaire sera mise en place pour l’application de l’accord.

Le Pasteur Ntumi demandait aussi « l’arrêt immédiat des bombardements dans le Pool » et la « libération sans condition de tous les détenus politiques », affirme le porte-parole du collectif Sassoufit.

Après être déjà entré en rébellion contre Brazzaville depuis sa région du Pool de 1998 à 2003, Ntumi était ensuite devenu un notable local, avant de se rebeller de nouveau en 2016.

Deux anciens candidats à l’élection présidentielle de 2016, Jean-Marie Michel Mokoko et André Okombi Salissa, sont en prison, officiellement poursuivis « pour atteinte à la sûreté intérieure de l’Etat ».

Des activistes ont demandé cette semaine la libération de l’opposant Paulin Makaya, arrêté le 25 novembre 2015 pour avoir organisé une marche interdite contre le changement de Constitution, et condamné à deux ans de prison. Ses soutiens estiment qu’il a purgé sa peine.