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Le combat d’Israéliens pour une vallée du Jourdain palestinienne

Un mini-drone militaire fond sur un troupeau de moutons qui panique. Pour les bédouins palestiniens et leurs rares alliés israéliens…

Un mini-drone militaire fond sur un troupeau de moutons qui panique. Pour les bédouins palestiniens et leurs rares alliés israéliens sur place ce n’est que le début d’une autre journée de tension dans la vallée du Jourdain qu’Israël promet d’annexer.

Ce matin-là, les bédouins sont escortés non pas par des policiers palestiniens mais des militants israéliens qui s’opposent au projet du Premier ministre Benjamin Netanyahu de faire main basse sur cette vallée fertile nichée dans l’est de la Cisjordanie.

« Pour moi, le silence est un crime de guerre », martèle Guy Hirschfeld en escortant des bergers faisant paître leurs troupeaux sur le flanc d’une colline, coincée entre une base militaire et une colonie israélienne dans le nord de la vallée du Jourdain.

Lorsqu’un drone militaire surgit et sème la panique chez les centaines de bêtes laineuses, M. Hirschfeld en est persuadé: cela n’augure rien de bon.

Avec son collègue, le rabbin Arik Ascherman, il fait partie de ces quelques Israéliens qui luttent contre la mainmise d’Israël sur la vallée du Jourdain, vaste plaine agricole parsemée de colonies israéliennes.

Benjamin Netanyahu et son rival Benny Gantz promettent tous deux d’annexer cette langue de terre qui compte pour 30% de la Cisjordanie occupée, pour en faire partie intégrante d’Israël.

– Colonie sauvage –

La classe politique israélienne a eu un appui de taille, fin janvier, lorsque le président américain Donald Trump a présenté son projet pour le Proche-Orient qui prévoit justement l’annexion par Israël de la vallée en dépit des avertissements de l’ONU et des Palestiniens.

MM. Ascherman et Hirschfeld, avec leur petite organisation Torat Tzedek sont, eux, déterminés à s’opposer à ce projet. « Je ne peux pas rester chez moi et savoir que tout ce qui est fait, est fait en partie en mon nom », explique à l’AFP Guy Hirschfeld. « Tout citoyen israélien doit faire quelque chose » contre ce projet.

Les deux hommes connaissent bien la famille palestinienne Daraghmeh, établie à Oum Zuka, un hameau reculé de la vallée du Jourdain. Les trois frères Daraghmeh, dans leur quarantaine, cultivent ces terres depuis leur enfance et affirment qu’il en était de même pour leurs ancêtres bien avant 1967.

Mais dans la foulée de l’occupation israélienne, leur terre a été désignée zone militaire israélienne, puis a été surplombée d’une base de l’armée. Et il y a quatre ans, une structure de bois a surgi sur une colline en face de la base: c’était une colonie « sauvage », une implantation de colons qui n’a pas reçu le feu vert d’Israël.

Cette colonie abrite seulement une famille et quelques adolescents. Mais pour les Daraghmeh, cette nouvelle présence est une façon de les forcer à quitter leur terre.

« Où que vivent les bédouins, on y amène un colon pour qu’il s’installe au beau milieu (de ses terres). Pourquoi? Pour que certains habitants aient peur (et partent) », dit à l’AFP Thiab Daraghmeh.

– « Vivre dans le ciel ? » –

La présence de MM. Ascherman et Hirschfeld aux côtés des trois frères leur permet d’amener leurs bêtes paître près de la base et de la colonie où ils auraient peur de s’aventurer seuls.

Mais cette présence n’empêche pas, une heure après le survol du drone, des soldats flanqués de quatre colons de débarquer, repoussant les Palestiniens vers leurs maisons déglinguées, plus bas dans la vallée.

M. Ascherman a beau négocier, les soldats affirment que l’endroit où ils se trouvent est un terrain militaire. « Et les colons, eux, n’ont pas à en partir », grince l’Américano-israélien, kippa sur la tête. « C’est ce que nous appelons en hébreu Eifah V’Eifah: deux poids, deux mesures ».

Ni les soldats ni les colons n’ont souhaité parler à l’AFP. Contactée ultérieurement par l’AFP, l’armée israélienne a affirmé « protéger tous les résidents dans ce secteur de façon égale ».

S’ils sont déterminés à rester sur leur terre, les Daraghmeh font part de pression croissante. « Parfois ils nous interdisent de faire paître nos bêtes dans la vallée, et après ils nous interdisent de venir ici (sur la colline) », dit Thiab Daraghmeh. « Est-ce qu’ils veulent qu’on aille vivre dans le ciel? ».

Pour Guy Hirschfeld aussi, la situation est difficilement tenable. Il se dit « éreinté » et isolé, des amis et membres de sa famille ayant coupé les ponts à cause de son engagement auprès des Palestiniens. « On voit de moins en moins de militants israéliens engagés dans des activités dans les territoires palestiniens occupés », regrette-t-il.

Certains jours, il envisage de tout arrêter. Puis se dit qu’il continuera tant qu’il aura l’impression d’être utile. « Tout ce que je fais, je le fais parce que j’aime mon pays », dit-il. « Je dis à mes filles: +un jour vous comprendrez ce que votre père fait+ ».

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