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La bataille d’un couple gay croate pour accueillir des enfants

Éduqués, employés, calmes, attentifs: Ivo et Mladen réunissent toutes les caractéristiques idéales pour accueillir des enfants dans le cadre de…

Éduqués, employés, calmes, attentifs: Ivo et Mladen réunissent toutes les caractéristiques idéales pour accueillir des enfants dans le cadre de la procédure de placement familiale en Croatie, où environ 1.000 d’entre eux ont désespérément besoin d’un foyer.

Seulement voilà, être gay dans un pays conservateur sous large influence de l’église catholique est un problème. De longues années durant, les préjugés les ont empêchés de réaliser leur rêve d’accueillir des enfants.

Début février, une lueur d’espoir s’est profilée à l’horizon lorsque la justice locale a tranché, sur fond de débat houleux : les couples de même sexe en Croatie ont le droit d’accueillir des enfants. La Cour constitutionnelle a estimé que la législation en vigueur produisait « des effets discriminatoires » à l’égard des homosexuels.

« Nous sommes ravis », a déclaré à l’AFP Ivo Segota, un biologiste moléculaire de 37 ans, attablé dans un café de Zagreb avec son compagnon Mladen Kozic, un sociologue de 38 ans.

« Avec cette décision (…) plus personne ne devrait avoir à endurer ce que nous avons enduré », ajoute-t-il.

Leur parcours du combattant avait commencé il y a plusieurs années : après le rejet immédiat de la demande d’adoption qu’ils avaient déposée, ils se sont empressés de déposer une demande d’accueil d’enfants en 2017.

« Notre désir d’enfants (…) n’est pas différent de celui des autres couples souhaitant entendre les rires d’enfants dans leurs foyer », dit Ivo.

Puisqu’ils ne sont pas autorisés à se marier, Ivo et Mladen ont enregistré un « partenariat de vie », un statut qui leur accorde presque les mêmes droits.

Si le niveau de tolérance envers la communauté LGBT a augmenté en Croatie au cours des dernières années, les groupes conservateurs proches de l’église s’efforcent de maintenir le mariage gay hors-la-loi et bataillent pour empêcher l’adoption ou l’accueil d’enfants dans les familles homoparentales.

– « Rejeté » –

Pour le couple, la procédure a vite tourné à un cercle administratif vicieux de demandes rejetées, de plaintes et de décisions de la justice, leur faisant faire la navette entre le Centre de soutien social à Zagreb, le ministère des Affaires sociales et les tribunaux.

Pourtant, le couple avait des arguments, et le Centre de soutien social s’était montré très enthousiaste après les entretiens des deux partenaires, assure Ivo.

La majorité des couples candidats à l’accueil d’enfants étant des personnes âgées pour la plupart d’une cinquantaine d’années, Ivo et Mladen sortaient du lot.

Le centre a néanmoins douché leur espoirs, invoquant un manque de législation sur laquelle s’appuyer pour répondre à leur demande. Par la suite, l’institution a ignoré une décision du tribunal de Zagreb lui demandant de réexaminer la demande du couple provoquant l’indignation parmi des groupes de défense des droits de l’Homme.

« Mladen et moi étions choqués », indique Ivo en se rappelant sa réaction après avoir lu le mot « rejeté » dans la lettre adressée par le centre.

La récente décision de la Cour constitutionnelle a fait renaître leurs espoirs.

Le couple s’attèle à terminer la construction d’une maison à proximité de Zagreb qui deviendra, espère-t-il, d’ici la fin de l’année, le foyer de deux ou trois enfants.

– Opposition musclée –

Assumer son homosexualité n’est pas chose facile en Croatie, mais Ivo et Mladen, en acceptant que leur vie soit exposée dans les médias, veulent montrer que les couples de même sexe ne sont pas « des monstres importés de l’Occident ».

Selon les derniers sondages, 64% des Croates sont opposés à ce que des couples de même sexes accueillent des enfants.

La raison la plus fréquemment avancée ? Un enfant a besoin « d’une mère et d’un père » pour être convenablement élevé.

Vice Batarelo, patron de l’association ultra-catholique Vigilare, a qualifié la Cour constitutionnelle de « honte de l’Etat croate », ajoutant « nous avons fait des enfants des cobayes ».

Un autre groupe, « Au nom de la famille », entend remettre en cause la décision « inacceptable » de la Cour « contraire aux intérêts des enfants ».

En province, à Imotski, des poupées de carnaval représentant un couple gay tenant un enfant ont été incendiées durant un carnaval pour défendre, selon les organisateurs, « les valeurs traditionnelles », un incident condamné par le gouvernement.

« Le sujet nous touche, mais touche aussi à la politique, aux opinions et aux dogmes », a estimé Mladen. « Ce sont les 1.000 enfants qui devraient être au centre de l’attention. Eux qui perdent leur avenir en raison du mauvais travail des institutions ».

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