Congo : près de 8 500 anciens réfugiés rwandais ont peur de devenir apatrides

Ces anciens réfugiés rwandais avaient perdu leur statut au Congo depuis fin décembre 2017.

Ils sont près de 8 500 anciens réfugiés rwandais qui ont peur de devenir des apatrides dans ce pays qui les accueille depuis 1997. Ces personnes, tout comme les ONG qui plaident leur cause, souhaitent que les autorités congolaises les aident à trouver un nouveau pays d’accueil.

Relevons qu’ils ne sont pas candidats au retour volontaire dans leur Rwanda natal et refusent l’intégration locale avec le passeport de leur pays.

L’un d’eux, Ignace, la quarantaine révolue déclare : « Nous vivons dans la crainte et dans la peur. Jusqu’à aujourd’hui nous demandons aux autorités congolaises de nous restituer notre statut de réfugiés parce que nous trouvons injuste la décision prise en notre défaveur ; celle de l’application de la clause de cessation du statut. »

Le son de cloche est le même au sein de l’Association pour les droits de l’homme et l’univers carcéral (ADHUC) que préside par Loamba Moké. « On a constaté que ces personnes deviennent des prisonniers à ciel ouvert parce qu’ils n’ont aucun document administratif. Ils vont vers l’option des apatrides », analyse Moké.

« Nous préférons les pays comme le Canada, les Etats-Unis, les pays scandinaves et même l’Australie », dit Ignace. C’est un avis que partagent tous ces réfugiés rwandais.

Cambriolage au siège de l’ADHUC

C’est mercredi 13 mars, le matin que le comptable de l’Association pour les droits de l’homme et l’univers carcéral (ADHUC), a découvert le cambriolage.

Arrivé au siège de l’ONG mercredi matin, Alain Kombo, le comptable, a constaté les dégâts. Les ravisseurs ont emporté l’ordinateur de la secrétaire. « On a défoncé la grille et le portail. Les cambrioleurs ont forcé la porte principale d’entrée. C’est surprenant, ils sont venus principalement pour l’ordinateur du secrétaire qui est le cerveau de l’organisation. Ils l’ont emporté », a témoigné.

C’est ADHUC qui avait dénoncé en début de semaine un verdict « complaisant » dans l’affaire des treize jeunes congolais retrouvés morts en juillet dans un commissariat de Brazzaville.

A la question de savoir si ce vol était motivé par les sorties médiatiques de l’ADHUC ces derniers jours, Alain Kombo a répondu qu’une telle hypothèse n’était pas à exclure, ajoutant que les malfrats semblaient bien connaître l’association.

« Ils ont tout emporté. Leur intention est bien sûr de nous empêcher de travailler ou bien ils sont sûrs qu’en agissant ainsi ils vont freiner l’action que nous sommes en train de mener. C’est quelque chose que nous déplorons parce que notre travail consiste à accompagner, faire avancer et développer notre pays », explique Alain Kombo

En début de semaine, l’association avait joint sa voix à celle d’autres ONG pour dénoncer un verdict « complaisant » à l’égard des six policiers jugés dans l’affaire des treize jeunes retrouvés morts en juillet dernier dans le commissariat de Chacona à Brazzaville.

La police a été saisie au sujet de ce cambriolage et les résultats de son enquête sont attendus.

Congo-B: une situation difficile pour les anciens réfugiés mineurs venus du Rwanda

Depuis la cessation de leur statut, des anciens réfugiés rwandais au Congo-Brazzaville sont aujourd’hui plus de 8 000 sans-papiers à avoir refusé de rentrer en invoquant des raisons de sécurité. Le gouvernement congolais renouvelle ses appels à suivre la procédure administrative prévue pour ceux qui souhaitent rester dans le pays. A savoir retirer un passeport rwandais à l’ambassade du Rwanda à Brazzaville, avant de pouvoir demander de régulariser leur situation au Congo. Le HCR de son côté estime que la protection internationale a été maintenue pour ceux qui avaient des raisons fondées de craindre pour leur vie s’ils rentraient au Rwanda.

A Brazzaville, près 200 de ces anciens réfugiés se sont réunis dans un collectif, celui dit « des mineurs non accompagnés reconnus par le HCR ». Ils se retrouvent eux aussi sans papiers. Ils disent être arrivés mineurs au Congo-Brazzaville, pris en charge par le HCR alors que leurs parents avaient été massacrés à Kibeho au Rwanda ou dans des camps de réfugiés en République démocratique du Congo en représailles du génocide de 1994. Ces orphelins ne comprennent pas la décision prise de leur refuser toute protection internationale, « faute de nouveaux éléments ».

Comme des milliers d’autres, ils refusent aujourd’hui de rentrer au Rwanda ou de passer par leur ambassade. Ils ont peur d’avoir un quelconque contact avec un gouvernement qu’ils estiment responsable de la mort de leurs proches : « Si les parents ont été tués par le même pouvoir. Si aujourd’hui, on te demande encore d’aller plus  en contact avec les mêmes personnes qui n’ont jamais reconnu qu’ils ont assassiné nos parents. Ça, c’est l’injustice ».

Pour l’Adhuc, l’association congolaise qui suit ces anciens réfugiés et tire la sonnette d’alarme depuis des mois, c’est la négation d’un traumatisme. Loamba Moke en est le président : « Ils sont traumatisés, ils ne savent pas sur quel pied danser : repartir au Rwanda, comment et surtout dans quelle maison ? Ils ont été traumatisés en bas âge, c’est cela le grand problème. Ca devait être les premières personnes qui devaient être exemptées parce qu’ils sont des enfants non accompagnés ».

L’Adhuc demande au gouvernement congolais, comme au HCR, de trouver une solution pour ces orphelins, comme pour les milliers d’autres Rwandais aujourd’hui sans papiers, qui rejettent depuis cinq ans les différentes options mises sur la table.

Tout en comprenant leur traumatisme, le gouvernement congolais estime que le risque est inexistant pour ces orphelins de se présenter à leur ambassade à Brazzaville, que cette procédure a fait l’objet de cinq années d’échanges avec le HCR, Kigali et cette communauté. Mais si l’impasse se confirme, dit son porte-parole, le gouvernement congolais « restera à l’écoute comme il l’a toujours été » et se tournera vers le HCR pour envisager un « déblocage » de la situation. Le HCR dit pour sa part avoir déjà tenté de convaincre le gouvernement congolais de trouver une procédure alternative, en vain.