Congo : la statue de Pierre Savorgnan de Brazza n’est plus apprécié par les brazzavillois

De nombreux congolais ont exprimé leur ras-le-bol, à l’occasion du 140e anniversaire de la fondation de Brazzaville, célébration qui met un accent sur le colonisateur français.

Plusieurs cérémonies ont marqué la célébration des 140 ans de la fondation de Brazzaville. Le nom de l’explorateur français Pierre Savorgnan De Brazza, son fondateur, a été magnifié comme d’habitude. Il faut néanmoins noter que depuis quelque peu, des congolais estiment que le pays a fait trop de la place à ce colonisateur.

Pour l’activiste Charlin Kinouani, il faut rebaptiser les espaces publics qui portent les noms des colons.

« On ne peut pas continuer à voir sur Brazzaville les noms de ceux qui nous ont colonisés, de ceux qui ont maltraité le peuple congolais. Les appellations comme ‘lycée Pierre Savorgnan De Brazza ou Square De Gaulle doivent cesser », s’insurge-t-il.

Le politologue Constant Ebara Pea, allant dans le même sens, estime que l’imposante statue de De Brazza en plein cœur de Brazzaville doit disparaître.

« Ce n’est que légitime parce que je pense qu’on pourrait voir en plein cœur de Paris qu’on élève une statue de Ngouabi, de Lissouba ou de Milongo », commente le politologue qui s’oppose contre toute forme « de domination ».

Mais pour l’historien Melfon Kamba, le colonisateur Savorgnan De Brazza mérite encore de la reconnaissance et des éloges des Congolais.

« Quand il arrive ici, ce n’est pas pour Brazzaville, mais pour le Congo. Bien avant lui, il y avait des colons, mais personne n’a l’idée de nous réunir dans un espace comme celui-ci dans lequel nous vivons aujourd’hui », rappelle-t-il l’historien.

Le Congo a consacré depuis 2005 tout un mémorial à son colonisateur, un palais de marbre à coût de milliards de francs CFA. Sa directrice Belinda Ayessa défend que Savorgnan De Brazza fût un humaniste et que la population ne devrait pas déboulonner sa statue.

« Il faut dépassionner l’histoire, c’est très important. Que l’on ne déboulonne pas pour déboulonner parce que ces statues nous servent de repères dans notre histoire », affirme Belinda Ayessa.

Créée le 3 octobre 1880, Brazzaville a tour à tour été capitale du Moyen Congo, de l’Afrique équatoriale française et de la France libre. Elle s’apprête à célébrer, le 27 octobre prochain, malgré la protestation des activistes, le 80e anniversaire de l’appel à la résistance du général Charles de Gaule, lancé ici même.

Théâtre : un hommage à Pierre Savorgnan de Brazza

A travers la pièce « Au cœur des hommes », présentée sur les planches la semaine dernière, à IFC de Brazzaville, il s’est agi de retracer l’histoire de l’explorateur franco-italien.

Inspirée en partie du livre « Le Rapport Brazza » de l’historienne française, Catherine Coquery-Vidrovitch, la représentation de la pièce « Au cœur des hommes » par la troupe Les Masquards a été un moment de commémoration. Avec des scènes comiques, tragiques, les enseignants du lycée français Saint Exupéry ont retracé le combat de l’explorateur Pierre Savorgnan de Brazza pour la liberté des Africains soumis à l’esclavage.

Les dramaturges congolais à l’instar de Clovis, et français, tous vêtus en blanc, ont vanté les bienfaits de l’explorateur franco-congolais. Selon John Ottavi, auteur et metteur en scène de cette pièce de théâtre, Pierre-Savorgnan-de-Brazza était un homme attaché à l’Afrique.

Face à une impressionnante représentation de la troupe Les Masquards, le public n’a pas manqué de scander le nom de Pierre Savorgnan de Brazza. C’était en présence de la directrice déléguée de l’IFC, Marie Audigier, et de la directrice générale du Mémorial Pierre-Savorgnan-de-Brazza, Bélinda Ayessa.

 « Tout cela fait partie de notre histoire et c’est notre patrimoine. Il faut parler de cela, il faut que les gens prennent de la hauteur et aillent à l’essentiel ; l’essentiel c’était la rencontre des hommes, la rencontre des cultures que Savorgnan de Brazza a toujours prêchée. Je suis aujourd’hui heureuse que l’on puisse continuer à parler de lui », a déclaré Belinda Ayessa.

Lutte contre l’insalubrité: la communauté éducative interpelée

Le ministre de l’Enseignement primaire, secondaire et de l’alphabétisation, Anatole Collinet Makosso, a lancé l’appel le 2 mars à Brazzaville, à l’issue de l’opération de salubrité, organisée au lycée Pierre-Savorgnan-de-Brazza.

Conformément à la circulaire du 3 novembre 2018 prise par le Premier ministre, Clément Mouamba, le premier samedi du mois de mars a été consacré à l’assainissement dans plusieurs administrations et milieux publics de Brazzaville.

En effet, le chef du gouvernement demande, au travers de cette note, aux ministres, responsables des institutions constitutionnelles, préfets, sous-préfets, maires, administrateurs maires et chefs de village de prendre en main la gestion de la salubrité publique.

Le but étant de favoriser la prise de conscience collective de l’urgence environnementale et de faire participer la population congolaise à l’effort visant à améliorer le cadre de vie.

Selon Anatole Collinet Makosso, le Premier ministre a bien vu, en conviant les Congolais à cet élan de solidarité et de concorde nationale, visant à bâtir les murailles des grandes villes du pays.

Au lycée Pierre-Savorgnan-de-Brazza, le ministre, les membres de son cabinet, élèves et enseignants ont retroussé leurs manches. « Au travers de cet acte, le Premier ministre appelle l’ensemble de ses compatriotes à s’engager dans une action d’assainissement intégral : assainissement du lieu d’habitation et de travail ainsi que des méthodes de travail, assainissement de l’homme dans tout son environnement. J’invite l’ensemble de la communauté éducative à consacrer régulièrement une partie de son temps à ce travail d’assainissement intérieur et extérieur », a exhorté le ministre, en présence du Premier ministre, qui faisait la ronde de quelques sites dans la ville capitale.

Dénommée « Villes, villages et habitations propres », cette opération de salubrité publique doit associer autour des autorités nationales, le personnel des administrations publiques déconcentrées et décentralisées, des entreprises et établissements publics et privés, ainsi que les responsables des quartiers et villes.

Accompagnant les autorités dans ce combat de lutte contre l’insalubrité, l’ambassadeur du Rwanda au Congo, Jean Baptiste Habyalimana, a souligné la nécessité de voir les Congolais ensemble en travaillant pour l’intérêt commun et la cohésion sociale. « Il faut comprendre que le Congo sera développé par les mains et les bras de ses propres enfants. On doit travailler pour le pays et pour la communauté dans laquelle on vit. L’unité et le progrès que nous allons chercher ailleurs doivent commencer par chez nous-mêmes. Le travail communautaire est vraiment capital pour notre progrès, pour notre unité mais aussi pour nos meilleures conditions de vie au quotidien », a-t-il conseillé, se félicitant de l’initiative du Premier ministre.