Congo : « Non aux violences faites à la femme »

C’est le message passé par cinq jeunes femmes avec un vécu douloureux, le 28 mars à l’Institut français du Congo (IFC) de Brazzaville.

A travers le slam et sous la direction de la slameuse Mariusca Moukengué, ces femmes ont livré pour la première fois en public, des messages forts pour évoquer toutes formes d’agressions commises à l’égard de la femme.

Le spectacle avait  pour thème évocateur « Slamunité des power-women : des mots sur les maux ».  C’est en visages masqués, habillées en jeans et tee-shirt blanc, que ces cinq jeunes femmes de moins de 30 ans, sont montées sur les planches de l’IFC. Elles ont surmonté leur passé douloureux grâce à une thérapie par les mots ayant duré quatre mois, racontant les agressions dont elles ont été victimes en slam. Pour l’une d’entre elles, c’était dans une ruelle obscure en plein soir avec un proche, pour l’autre droguée dans la maison de son copain, etc. Moment émouvant pour le public.

Et comme pour montrer l’animosité des responsables d’agressions sexuelles, le slameur Hardy style a notamment présenté à l’assistance un texte écœurant dans lequel il précise que « ces monstres » peuvent être un cousin, un voisin, un père, un ami, le propre conjoint, qui rôdent autour des maisons, d’établissements administratifs, scolaires ou religieux.

Accompagnant ces jeunes femmes sur scène, Mariusca Moukengue a notamment dénoncé le lamentable cliché d’infériorité qu’on inflige à la femme dans nos sociétés. « Elle s’enfonce dans la conscience sociale. J’ai vu l’éducation abrutir l’enfant très tôt. Quand tôt, le jeune garçon est considéré comme l’être fort, être dominant. Et la fille, l’être faible, l’être dominé. Cette victimisation de la gent féminine qui serait l’être doux, l’être soumis, l’être oui-ouiste, contrainte de s’agenouiller car femme égale lit, ménage, cuisine », a déploré la slameuse. D’après elle, l’espoir, c’est tout ce qui reste à la société pour stopper les violences faites aux femmes.

S’il faudrait qualifier ces power-women, on dira d’elles qu’elles sont audacieuses et invincibles. Car, c’est avec beaucoup de force, d’assurance et de maîtrise qu’elles ont rythmé les quarante-cinq minutes de scène au cours de cette soirée.

« Malgré les souffrances que tu as dans ta vie, pardonne à ceux qui t’ont blessé. Malgré les souffrances que tu viens de subir, prends courage et va de l’avant », chantaient-elles à chaque séquence de transition du spectacle.

En effet, elles ne se sont pas résolues à subir la victimisation et aujourd’hui veulent montrer à toutes les victimes de violences que, loin de s’apitoyer sur son sort, il est bien possible de se relever et de se reconstruire. « Tu es quelqu’un de formidable, vis ta vis et vise la réussite. Que ton désir de réussir, soit plus fort que ta peur de l’échec », a soutenu l’une des power-women.

Notons que c’est dans une atmosphère de gaieté et sur des pas de danse entre les power-women et Mariusca que s’était clôturé ce spectacle.

Qui est Mariusca Moukengué ?

Mariusca Moukengué est slameuse, critique d’art, comédienne et dramaturge congolaise. Depuis 2010, elle mène sa carrière artistique sur plusieurs fronts et a pu participer à de nombreux événements et festivals au Congo, notamment Mantsina sur scène, Etonnants voyageurs, Ici c’est l’Afrique, Rencontre internationale de l’art contemporain, etc.

C’est en 2018 qu’elle s’était lancée dans son projet de poésie urbaine « Slamunité », un concept de formation en slam ayant pour but de cultiver auprès des jeunes le réflexe à la non-violence. Ce projet s’est déjà exporté au Cameroun, au Tchad et en République démocratique du Congo, où Mariusca a coaché des jeunes filles et garçons de 11 à 18 ans.

Fin 2018, à l’occasion d’une résidence de création en Belgique, Mariusca Moukengue enregistre « slamouraï », son premier maxi single, actuellement disponible sur toutes les plates-formes de téléchargement légales.

Brazzaville : accroissement du phénomène « Bébés noirs »

Alors qu’on le croyait éradiqué ou maîtrisé par les forces de l’ordre, le spectre continue de faire parler de lui dans la ville capitale où des paisibles citoyens sont parfois tués ou agressés à longueur de journée.

Le dernier acte en date est l’agression, le 29 janvier, d’un adolescent de 16 ans dans le 6e arrondissement, Talangaï. Alors qu’il tentait de rallier le cimetière de la Tsiémé, le jeune Mardochée a été agressé dans l’après-midi par un groupe de bandits appelé « Les Américains », usant des lames de rasoir et des marteaux. Demeurant sur l’avenue de l’Intendance, à Talangaï, Mardochée, fréquente une école privée située dans la rue Mossaka.

En effet, par manque d’aire de jeu, les élèves de cet établissement ont choisi le cimetière de la Tsiémé comme terrain par excellence pour les cours d’Education physique et sportive (EPS). Le 29 janvier, cet adolescent que nous avons surpris dans un commissariat de police de la place avec des cicatrices aux bras et au dos, en compagnie de son père, un adjudant des Forces armées congolaises (FAC), a été victime d’une agression de la part des « Bébés noirs ».

« Apparemment, c’est un condisciple qui les a orientés vers moi, parce qu’il me reprochait de ne plus lui donner de l’argent ces derniers temps. C’est aux environs de 16 h, hier, que j’ai été agressé. Ils m’ont d’abord ligoté avant de me donner un coup de marteau sur la nuque et de griffonner sur mon corps, tout en soulignant que si tu cries, on te tue », raconte Mardochée, dont les deux bras portent les écrits « GPC » et le dos » les USA/GPC » pour désigner les « Américains ».

Dans le lot, l’adolescent a pu retenir le visage de « Gorza », un sujet ouest-africain qu’il estime être le chef du groupe. Informé de la situation, son père et autres membres de la famille auraient averti le commissariat central de police de la Tsiémé sur un éventuel affrontement qui pourrait les opposer à ce groupe de bandits. C’est aux environs de 18 h qu’ils ont mis la main sur quatre des cinq malfrats dans une maison inachevée située au bord de la rivière Tsiémé, avant de les conduire au commissariat de police de Ouenzé- Mandzandza ( situé dans la rue Mbochi), réputé dans ce genre d’opération. « Nous les avons surpris en train de prendre les stimulants parmi lesquels du Tramadol et du chanvre », a témoigné l’adjudant.

Selon des témoignages, des dizaines de jeunes délinquants sont actuellement dans ce commissariat de police, en attendant probablement leur transfèrement à la Maison d’arrêt de Brazzaville. Pour rappel, il y a quelques semaines, une femme de ménage a été abattue par un autre groupe de bandits au quartier lycée Thomas-Sankara, dans le 9e arrondissement, Djiri, en pleine journée. Les présumés auteurs arrêtés par les services de police ont été récemment présentés au public par le directeur général de la police, le général Jean François Ndenguet.

Que faire des « bébés noirs » ?

La question mérite d’être posée d’autant plus que le phénomène prend de plus en plus l’ampleur dans la ville capitale. En effet, si dans tous les quartiers de la ville ils sont regroupés au sein des écuries portant des noms comme « les Américains » ou « les Arabes », les actes odieux sont souvent observés dans la partie nord et ouest, notamment Talangaï, Djiri et Mfilou.  Ce sont des insoucieux surtout lorsqu’ils se retrouvent en face de ceux qu’ils considèrent comme des adversaires. Les paisibles passants y font souvent des frais. Ces violences sont également signalées en milieu scolaire où des élèves des établissements différents s’affrontent. Il fut un moment où la population était même obligée de se faire justice devant ces citoyens inciviques qui agressent des gens avec des armes blanches.

« Que devons-nous faire des bébés noirs ? », s’est interrogé un commissaire de police, pointant du doigt le parquet de Brazzaville qui parfois libère  les auteurs de ces actes crapuleux, une fois transférés à la Maison d’arrêt.

Le comportement des jeunes congolais a récemment interpellé le président de la République, dans son message sur l’état de la nation en 2017. « Les jeunes doivent s’imprégner des grands principes de la République et du respect de l’Autre et du bien public, pour garantir l’avènement d’une société plus fraternelle qui éloigne, aujourd’hui et demain, de la violence et de l’incivisme en prônant l’observation stricte des valeurs morales », indiquait Denis Sassou N’Guesso.