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Il y a dix ans, le Mali perdait le Nord

Durant de longs mois, la presque totalité du nord du Mali a été sous le contrôle des jihadistes qui y…

Durant de longs mois, la presque totalité du nord du Mali a été sous le contrôle des jihadistes qui y ont installé un mini émirat islamique.Il y a dix ans, jour pour jour, le Mali perdait le contrôle sur sa partie septentrionale, tombée brusquement entre les mains d’insurgés nationalistes touaregs et jihadistes. En trois jours, dans l’essentiel des villes du nord du pays, l’armée et les forces de sécurité sont défaites et contraintes de fuir. C’était le cas d’abord à Ménaka, grand centre de l’est malien d’où sont souvent partis les rébellions précédentes, à Kidal, capitale du grand nord et fief historique des grands chefs rebelles touaregs, puis à Gao, plus grande ville de la région et enfin à Tombouctou, la cité historique classée patrimoine mondial de l’Unesco.

A l’origine de cette énième rébellion, dans cette partie du Mali, se trouve le Mouvement national de la libération de l’Azawad (MNLA), une organisation touarègue née de la fusion quelques mois plus tôt entre de jeunes activistes locaux organisés au sein du Mouvement national de l’Azawad (MNA), créé en octobre 2010 à Tombouctou et un groupe de combattants originaires de la région jusqu’alors engagés dans l’armée libyenne du colonel Mouammar Kadhafi dont le régime venait, tout juste, de tomber sous les bombes de l’OTAN.

Mujao, Al Qaida…

En fait, la nouvelle organisation rebelle touarègue n’était pas seule. Au moment où elle décide de déclencher son offensive militaire, un autre groupe était en embuscade. Il s’agit des islamistes du mouvement Ansardine, formé par l’ancien héros de la rébellion touarègue du début des années 1990, Iyad Ag Ghali. Converti à l’islamisme, cet aristocrate de la puissante tribu touarègue des Ifoghas s’est allié à Al Qaida au Maghreb islamique (Aqmi) et sa filiale sahélienne du Mouvement pour l’unicité et le jihad en Afrique de l’Ouest (Mujao).

A Tombouctou, dès la fuite de l’armée malienne de la ville, Ansardine et ses alliés d’Aqmi chassent le MNLA du périmètre de la cité historique. A Gao, où les nationalistes touaregs proclament dès le 6 avril un Etat indépendant de l’Azawad, le mort d’un manifestant sous les tirs d’éléments du MNLA pousse les islamistes du Mujao, qui s’étaient installés dans la même ville, à réclamer la remise de l’auteur des tirs pour le faire juger selon les lois de la charia islamique. Le refus des nationalistes de s’exécuter provoque un affrontement militaire qui tourne en faveur des islamistes qui obligent leurs adversaires à abandonner toutes leurs positions dans la cité et ses environs.

Durant de longs mois, la presque totalité du nord du Mali est sous le contrôle des jihadistes qui y installent un mini émirat islamique.

« C’était très dur », se souvient Mamiti Al Ansari, un jeune touareg de Tombouctou qui est le premier habitant de la région à avoir été jugé puis puni selon les lois de la charia instaurées par les islamistes.

Une intervention militaire internationale conduite par la France va s’employer, à partir de janvier 2013, à chasser les islamistes des villes occupées. En quelques semaines, tout le nord passe, théoriquement, sous le giron de l’Etat malien, excepté Kidal et ses environs immédiatement investis par le MNLA et un autre groupe touareg organisé dans le cadre d’un Haut Conseil pour l’Unité de l’Azawad (HCUA), formé par des anciens cadres repentis du mouvement Ansardine d’Iyad Ag Ghali.

Un processus de paix, initié conjointement par la France et l’Algérie, est alors engagé entre le gouvernement de Bamako et les rebelles, auquel sont associées d’autres formations armées dont certaines proches du pouvoir.

Wagner

Entre temps, alors que la débâcle de l’armée malienne au nord avait provoqué le renversement par des militaires du président élu Amadou Toumani Touré (ATT) en mars 2012, puis l’installation d’autorités transitoires, une élection présidentielle a débouché en septembre 2013 sur la désignation d’un nouveau président civil : Ibrahim Boubacar Keita dit IBK, qui avait fait du retour à la paix sa promesse majeure. Son échec à restaurer l’autorité de l’Etat sur l’ensemble du territoire, les soupçons de corruption et de mauvaise gestion au sein de son entourage et l’extension de la violence à d’autres régions du pays jusqu’alors épargnées, seront à l’origine d’un mouvement de protestation massif qui va pousser une partie de l’armée à le déposer en août 2020 alors qu’il venait d’être réélu deux ans plus tôt.

Le président et le Premier ministre de transition qui lui succèdent ne connaîtront pas meilleur sort. Neuf mois après le coup d’Etat contre IBK, la bande des jeunes colonels putschistes évince le président et le chef de gouvernement qu’elle avait entre-temps installés.

Dans ce pays, déjà mal en point, cet épisode va installer le Mali de graves difficultés. La France, dont 4000 soldats environ combattent les groupes jihadistes dans le nord du pays, va progressivement prendre ses distances avec le nouveau régime de Bamako au point de décider de retirer ses troupes du territoire malien pour les installer dans d’autres pays de la région, le Niger notamment.

L’appel par les nouvelles autorités maliennes à la Russie aurait permis, selon les partisans de la junte, d’atténuer l’impact du retrait français en accélérant la montée en puissance de l’armée malienne qui aurait enregistré des résultats importants sur le terrain ces derniers mois. Mais selon plusieurs sources internationales et organisations des droits de l’homme, massacres, tueries, affrontements intercommunautaires n’ont pas cessé pour autant, impliquant d’ailleurs parfois des forces régulières de l’armée malienne et leurs nouveaux alliés russes qui seraient, en fait, des combattants de la compagnie controversée de mercenaires Wagner, réputée proche du Kremlin.

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