Forêts d’Afrique centrale : la marque “Fair & Precious”, sept ans de combat pour des bois tropicaux écocertifiés

Sept ans après son lancement officiel, la marque "Fair & Precious" continue de tracer son sillon dans la difficile conquête…

Sept ans après son lancement officiel, la marque « Fair & Precious » continue de tracer son sillon dans la difficile conquête de la légalité et de la durabilité dans le secteur des bois tropicaux. Portée par l’Association technique internationale des bois tropicaux (ATIBT) et ses partenaires traditionnels, cette initiative entend démontrer qu’un commerce responsable du bois issu du bassin du Congo est non seulement possible, mais nécessaire.

Lancée le 8 novembre 2017 avec le soutien de l’Agence française de développement (AFD) et de la Commission des forêts d’Afrique centrale (Comifac), « Fair & Precious » est une marque-ombrelle. Elle rassemble des producteurs engagés dans une gestion durable de leurs concessions forestières, basée sur dix critères environnementaux, sociaux et économiques, parmi lesquels la préservation des écosystèmes, le respect des communautés locales et la diversification des essences exploitées.

LA SUITE APRÈS LA PUBLICITÉ



« Le grand public ignore souvent qu’en forêt, nous ne prélevons qu’un à deux arbres par hectare, tous les 25 à 30 ans », souligne Nathalie Bouville, Responsable Communication au   de l’ATIBT. « Ce que nous défendons, c’est une exploitation raisonnée et régulée, bien différente des clichés habituels sur la déforestation massive. » ajoute t-elle.

Une promesse de durabilité encore inachevée

Pour pouvoir se réclamer de la marque, les bois doivent être issus de forêts certifiées FSC – principal label écologique présent en Afrique – ou, de manière transitoire, de concessions légalement reconnues (certificats OLB, VLC ou VLO), à condition que l’exploitant s’engage dans un processus d’écocertification sous cinq ans. C’est précisément ce double seuil qui a suscité des critiques depuis le lancement.

Absence de contrôle indépendant, manque de transparence sur le suivi des engagements, clivage entre acteurs déjà certifiés et ceux en transition, la jeune marque a souvent été prise entre deux feux. Les ONG environnementales, bien que moins hostiles qu’auparavant, se montrent encore réticentes à soutenir publiquement cette démarche.

« Si vous voulez être crédibles, il faut embarquer les ONG. Sinon, vous restez perçus comme un lobby professionnel », tranche Jean-Jacques Landrot, ancien président de l’ATIBT.

Une filière encore fragilisée

Malgré les efforts de pionniers comme le groupe Rougier ou Precious Woods, la filière forestière durable peine à se généraliser dans la sous-région. À ce jour, seulement 5 millions d’hectares sont certifiés FSC sur l’ensemble du bassin du Congo. Dans certains pays, la légalité s’achète encore, même si les cadres juridiques ont beaucoup évolué.

« Nous risquons d’être remplacés par des acteurs moins vertueux ou par des projets agricoles en monoculture à forte rentabilité », alertait Stéphane Glannaz, directeur commercial de Precious Woods.

Le manque de compétitivité économique des exploitants responsables face à des géants agro-industriels constitue une autre menace. Les concessions attribuées au plus offrant – parfois sans critères environnementaux – restent monnaie courante. Une pratique qui érode la crédibilité des efforts entrepris.

Un horizon encore ouvert

Et pourtant, à mesure que les consommateurs européens deviennent plus sensibles à la traçabilité et que les politiques publiques intègrent de plus en plus les enjeux environnementaux, le potentiel de la marque « Fair & Precious » se confirme. La demande en bois certifié existe. La question reste : peut-on structurer une offre crédible, accessible et vérifiable à grande échelle ?

Pour y parvenir, l’ATIBT mise sur la coopération régionale, la transparence accrue et l’implication plus soutenue d’organisations de la société civile. L’avenir de la marque dépendra aussi de sa capacité à tenir ses engagements de contrôle et de montée en exigences.

Sept ans après sa naissance, « Fair & Precious » n’a pas encore totalement convaincu. Mais dans un secteur longtemps plombé par les abus et la corruption, elle constitue peut-être la meilleure chance de bâtir un futur forestier plus équitable et plus durable pour l’Afrique centrale.

Suivez l'information en direct sur notre chaîne WHATSAPP