L’apparition des deux premiers grands orchestres de cuivres de Brazzaville et de Kinshasa en 1940

Neuf cent quarante (940) marque le début d’un genre de musique qui est à la faveur de la présence des instruments à vent, communément appelé les cuivres. A cette époque expérimentale de la musique congolaise moderne, le besoin se fait sentir d’observer minutieusement  le genre « Bamboula »  de la New-Orléans (1) pour ce qu’elle a de proximité avec notre musique traditionnelle, mais surtout par l’évolution des techniques harmoniques ou de l’avancée des recherches dans le domaine  des cuivres et de la batterie de jazz.

Deux groupes congolais,  sur  les deux rives du fleuve Congo sont nés. Ils se veulent les intellectuels d’une musique, inspirée du « Jazz Band » et davantage orientée vers la Rumba et le rock. Leurs efforts furent couronnés de succès, car Emmanuel Damongo Dadet et Antoine Kasongo deviendront les tous premiers artistes à moderniser la musique « folk » par l’apport de nouvelles influences et à l’amener au sommet des chants congolais de l’époque.

I – Le  MELO CONGO (Mélomanes congolais)

Au début des années 40, Brazzaville, où la musique avait déjà atteint son intensité, disposait déjà de quatre fanfares, notamment la Fanfare Militaire, la Fanfare de la Milice, la Fanfare Catholique et la Fanfare Municipale d’où est sorti le Mélo Congo d’Emmanuel Damongo Dadet qui s’était magistralement imposé sur les deux rives du fleuve Congo.

En effet, c’est à la suite de la dislocation de la Fanfare de la Municipalité de Brazzaville, qu’Emmanuel Damongo Dadet crée le Mélo Congo. Il est l’un des rares musiciens qui soit à la fois saxophoniste, clarinettiste et guitariste. Inspiré par les grands solistes de jazz, il élabore une forme de musique qui fait un pas en avant dans l’utilisation de divers instruments (saxo, clarinette, violon, trompette, guitare, piano, batterie de jazz…) et vers l’affranchissement de la polyphonie.

Le groupe Melo Congo, connaît rapidement un succès immense qui repose sur le soutien inconditionnel des musiciens de talents fascinés par  les cuivres, les guitares, la batterie de jazz,  le chant. Et bien sûr les concerts spectaculaires de ses musiciens qui ne reculaient devant  rien pour satisfaire le public malléable, et user pour cela de tous les artifices en vogue à l’époque.

Parmi les noms qui ont constitué la première équipe de Mélo Congo, on compte : Pierre Mara, Georges Ondaye, Jean-Marie Okoko, Philippe Ngaba, Pierre Kanza, Casimir Bounda, Jean Dongou, Augustin Thony, André Tsimba, Pierre Loemba, Barète Mody, Pascal Kakou, acosta, Félix Maleka  et Botokoua.

Le groupe Melo Congo inaugure son premier concert dans l’agglomération de Poto-Poto  au dancing-bar « PICKUP », puis on le verra faire la ronde des dancings « Chez Faignond », « Macumba », « Beauté Brazza »  et Chez Ngambali « Mon Pays » , rencontrant partout le succès qui résume bien toute  l’analyse grâce à laquelle Dadet est parvenu à inventer ses propres cadences. De là s’ouvre le chemin de Léopoldville (Kinshasa) où le groupe Melo Congo est régulièrement sollicité pour le grand plaisir des mélomanes kinois.

Tout au long de sa carrière musicale, Emmanuel Damongo Dadet su exploiter toutes les possibilités de son instrument, le saxo, particulièrement, au point où il légua plus tard à son jeune cadet Nino Malapet tout son talent.

Mais, la musique n’a pas été le seul job de DADET  dont le succès grandira ensuite progressivement dans le domaine de la boxe et du football pour atteindre les sommets élogieux. Formé, en outre,  dans la haute administration coloniale française, Emmanuel Damongo Dadet, connait une renommée amplement méritée, après plusieurs dizaines d’années à l’exercice des fonctions de Conseiller territorial, sénateur et ambassadeur.

Au début des années 50, Damongo Dadet qui se voit affecté à Dolisie, cède la direction du Melo Congo à Félix Maleka. Au même moment arrive dans le groupe les musiciens Léon Boungou, Jacquet Opangault (cadet), Raphaël Kakou, Lekassa et Jean Bounda.

En 1955, c’est au tour du pilier de l’orchestre Félix Maleka de se retirer pour tendre la perche à Jean Ndongou. Dans cette attitude, il fait une preuve supplémentaire de son adaptabilité et de sa fidélité à un groupe qu’il aime tant, mais il reste que ses conceptions n’obéiront plus à celles qu’avaient tracées ses prédécesseurs. Le groupe se laissera engloutir vers la fin des années 50. Quant à Emmanuel Damongo Dadet, c’est en pleine retraite bien méritée qu’il meure en Mars 1973 à Brazzaville

II – L’ODEON KINOIS ou « l’harmonie kinoise »

A Kinshasa, et également en 1947 apparait sur la scène musicale congolaise, rive gauche,  l’orchestre ODEON KINOIS ou “l’harmonie kinoise” d’Antoine Kasongo. A l’origine, une bande de copains qui touchent un peu à toutes les musiques qui leur plaisent. Avec la présence en vogue de la Rumba, ils trouvent leur identité, avant d’adapter, puis de transformer considérablement cet idiome. Antoine Kasongo réalise aussi une série de chansons à succès aux éditions Olympia en 1947 – sinon par disque entier – produisant  des œuvres d’une grande qualité sonore.

L’Odéon Kinois, est le premier groupe qui aura le mérite  de lancer une forme toute spéciale et particulière de musique de divertissement, en introduisant  le « Sebene », qui est une répétition successive d’un certain nombre de notes, dont l’accent est mis sur la guitare rythmique. Fort heureusement, car les cuivres sont ici prédominants.

Antoine Kasongo, guitariste et saxophoniste,  fit de son orchestre à cuivre le premier de Kinshasa, par la qualité de ses musiciens et de la discipline qu’il sut leur imposer. Son œuvre claire, équilibré, d’une grandeur chaude, est l’image de l’art de son temps. Le propos d’Antoine Kasongo est de bâtir une somme musicale tendant  constamment à la perfection.

Aidé en cela par un talentueux guitariste « hawaïen »  Zacharie Elenga « Jhimmy »,  il a produit en 1949 aux éditions Ngoma, des disques les plus marquants de l’époque, et dont les chansons « libala liboso se sukali », Baloba balemba », « Naboya ki kobina », « Se na mboka », etc,  sont parvenues à traduire une nouvelle fois cet univers à la fois sympathique et merveilleux, avec sa poésie particulière.

Au cours des années 50, sans complètement renoncer à son feeling «  rumba-jazzy », qui a parcouru tous ses disques depuis 1947, Antoine Kasongo, au sommet de sa gloire est revenu à des harmonies, des sentiments plus proches de la tradition folk du haut Congo. Il semble en fait réalisé la synthèse de ses différentes influences et se diriger sereinement vers le confluent de toutes ses démarches. Avec son élégance et sa rythmique, habituellement hors pair.

Antoine Kasongo, avait su combler un vide : celui d’une rumba variété facile, bien ficelée, accrocheuse.