Congo : sept personnes déférées pour tentative présumée de déstabilisation de l’État

Un avocat, un militaire, des agents de l’administration congolaise et deux anciens rebelles centrafricains ont été placés sous mandat de dépôt à la Maison d’arrêt de Brazzaville. Ils sont accusés d’avoir planifié une action insurrectionnelle visant à renverser les institutions de la République.

 

Le procureur de la République près le Tribunal de grande instance de Brazzaville, André Gakala-Oko, a annoncé, le 22 juillet 2025, le déferrement de Me Bob Kaben Massouka et de six autres personnes à la Maison d’arrêt de Brazzaville. Ces individus, dont deux ressortissants centrafricains, sont soupçonnés d’avoir élaboré un projet visant à déstabiliser les institutions congolaises.

Selon le magistrat, cette opération s’inscrit dans le cadre d’un projet baptisé « Appel à la mobilisation pour soutenir la libération du Congo le 10 juillet 2025 », publié sur la page Facebook de Castellin Cédric Balou, présenté comme le commanditaire résidant à l’étranger.

Pour exécuter ce plan, sept personnes – cinq Congolais et deux Centrafricains – auraient été recrutées et assignées à des rôles précis. Parmi elles figurent notamment Me Bob Kaben Massouka, avocat au barreau de Brazzaville ; un juriste nommé Roch Armel Mankouma ; un lieutenant des Forces armées congolaises ; un adjudant-chef de la sécurité civile ; ainsi qu’un agent de la direction départementale de l’Agriculture. Les deux Centrafricains seraient d’anciens membres de la rébellion Séléka.

D’après les investigations, plusieurs réunions clandestines auraient été tenues afin d’organiser une manifestation insurrectionnelle nocturne. Les autorités affirment que les suspects avaient déjà réuni un certain matériel, dont des talkies-walkies, des cartes SIM en provenance de la RDC, ainsi que des téléphones satellitaires de marque Thuraya. L’analyse de ces dispositifs aurait révélé l’imminence d’une livraison d’armes de type PMK.

Concernant l’interpellation de Me Bob Kaben Massouka, le procureur a précisé qu’elle s’est effectuée dans le cadre d’une procédure de flagrance, et qu’à ce titre, elle ne relevait pas des règles spécifiques prévues par la loi sur l’organisation de la profession d’avocat.

« L’arrestation de Me Bob Kaben Massouka ne saurait être qualifiée d’enlèvement », a insisté André Gakala-Oko. Il a ajouté que les faits reprochés aux personnes interpellées constituent des infractions graves de nature à mettre en péril la paix et la sécurité intérieure de l’État.

Par conséquent, toutes ont été placées sous mandat de dépôt et poursuivies pour association de malfaiteurs et tentative d’atteinte à la sûreté intérieure de l’État, conformément aux articles 2, 87, 88, 89, 265, 266 et 267 du Code pénal congolais, ainsi qu’à l’article 55 du Code de procédure pénale.

Crise au Barreau de Brazzaville : les avocats en grève après l’arrestation controversée de Me Bob Kaben Massouka

Le Barreau de Brazzaville est en ébullition depuis l’arrestation jugée arbitraire de l’un de ses membres, maître Bob Kaben Massouka, survenue dans la soirée du mercredi 9 juillet 2025.

 

Les avocats, réunis en assemblée générale, ont décidé de suspendre toutes leurs activités jusqu’à la libération de leur confrère, qu’ils estiment victime d’un « enlèvement ».

L’arrestation de Me Massouka, avocat chevronné exerçant depuis près de quinze ans, aurait été effectuée aux environs de 19h30 par des agents de la Centrale d’intelligence et de documentation (CID), selon des sources proches de la famille. À ce jour, aucune communication officielle n’a été faite sur les motifs de son interpellation. D’après certaines indiscrétions, l’avocat aurait apporté son soutien à un groupe de jeunes militants ayant prévu une manifestation pacifique pour dénoncer la dégradation des conditions socio-économiques dans le pays.

L’affaire a immédiatement suscité l’indignation au sein de la profession. Sous la houlette de leur bâtonnier, Me Brigitte Nzingoula, les avocats du Barreau de Brazzaville ont convoqué une assemblée générale extraordinaire au Palais de justice. Le président de l’Ordre national des avocats, Me Christian Eric Locko, y a également pris part.

À l’issue de cette rencontre, une décision ferme a été prise : grève illimitée jusqu’à la remise en liberté de Me Massouka. « Nous, nous préférons parler d’enlèvement, parce que cela s’est fait dans des conditions déplorables que nous dénonçons avec notre dernière énergie », a déclaré Me Nzingoula. « Il a été pris peu après 19h30 alors qu’il sortait de son cabinet. Depuis, il n’a plus donné signe de vie. Le motif de cette interpellation reste inconnu et, à ce stade, ce qui nous importe, c’est le respect des procédures et des droits de notre confrère. »

Le Barreau rappelle que l’arrestation d’un avocat en exercice est strictement encadrée par la loi. Celle-ci exige la présence du bâtonnier ou du procureur général au moment de l’interpellation. Or, dans le cas de Me Massouka, aucune de ces dispositions n’aurait été respectée. L’avocat général près la Cour d’appel de Brazzaville aurait même déclaré n’avoir été informé des faits qu’au lendemain de l’arrestation.

Cette violation présumée des procédures légales a renforcé la colère des avocats, qui pointent du doigt une dérive préoccupante dans l’exercice des fonctions des services de sécurité. Pour eux, cette affaire reflète un usage abusif de la force et une atteinte grave aux droits fondamentaux. « Une justice sans avocats est un non-sens absolu », ont-ils rappelé.

Les avocats entendent porter l’affaire devant les plus hautes autorités, notamment le ministère de la Justice et celui de l’Intérieur. Ils exigent une enquête transparente et la libération immédiate de Me Massouka, afin de rétablir la confiance dans l’appareil judiciaire et garantir le respect de l’État de droit.

Dans un contexte où les réseaux sociaux jouent un rôle croissant dans la mobilisation citoyenne, cette affaire illustre les tensions entre sécurité publique et libertés fondamentales. Si les services de renseignement ont pour mission de prévenir les troubles à l’ordre public, les avocats appellent à une réforme de leurs pratiques, afin qu’elles s’alignent sur les standards démocratiques.

En attendant une issue favorable, les juridictions de Brazzaville tournent au ralenti. Les justiciables, eux, paient déjà les frais de cette crise judiciaire, qui met en lumière les fragilités d’un système en quête de crédibilité.